RDC : Découvrez la biographie de L'honorable Eric Bwanapuwa

Fin 1992, Mobutu tente desesperement de s'accrocher au pouvoir et de resister a la crise politique a laquelle il est confronte a Kinshasa. L'economie du pays est en declin, la situation politique est marquee par la confusion et le chaos au lendemain de la Conference Nationale Souveraine alors que le pouvoir de Mobutu s'amenuise. A l'autre bout du pays, la crise politique de la capitale semble loin mais la crise economique est durement ressentie. A Lubero, une femme, Delilah, lutte pour sa survie. Elle est le seul enfant survivant d'un mariage entre une veuve et un veuf qui ont tous deux eu des enfants avant de se marier apres le deces de leurs anciens conjoints. 

En tant qu'unique enfant de ce second mariage, Delilah se trouve quelque peu en dehors des liens familiaux etroits que partagent les autres enfants. Elle ne peut compter que sur elle-meme pour joindre les deux bouts. Fin 1992, elle est sur le point d'accoucher. Elle est determinee a faire en sorte que son enfant ait une vie decente. 

Lorsqu'elle accouche, elle nomme l'enfant Eric, qui sera l'aine d'une famille de cinq enfants. 

Elle passe les annees suivantes avec ses enfants dans un petit village de Lubero. La famille voit comment le genocide au Rwanda change sa province, avec l'arrivee de nombreux refugies rwandais. A Lubero, les choses restent calmes dans un premier temps. Lubero est plus proche de la frontiere ougandaise que de la frontiere rwandaise et la plupart des refugies s'installent dans un enorme camp de refugies a Muguunga, pres de la villede Goma, et non a Lubero. Mais la paix ne durera pas longtemps. 

En 1996, la guerre au Congo commence. La rebellion de l'AFDL conquiert rapidement de grandes parties de la region du Kivu. Le conflit arme lie a la presence continue des FDLR -qui se composent d'anciens fonctionnaires et militaires du gouvernement Habyarimana du Rwanda -et l'insurrection du RCD qui s'ensuit deplacent les populations. La vie de Delilah et de son jeune enfant Eric s'en trouve gravement perturbee. Ils sont obliges de demenager regulierement. Pour tenter d'echapper a la violence, ils passent souvent des semaines dans la brousse et reviennent ensuite au village. Le mouvement devient leur rythme de vie, un rythme qui se repete au fil des mois. Comme tant d'autres dans la region, ils sont constamment en mouvement. La mere d'Eric tente de gagner un peu d'argent pour acheter des vetements a son fils en fabriquant et en vendant de l'alcool fort, appele rutuku ou pofou. 

Delilah est confrontée a un choix difficile : reste a Lubero tout en luttant pour survivre dans un territoire rural dangereux ou demenager a Goma, considere comme un havre de paix dans le conflit. Ce dernier choix est plus sur, mais elle n'a pas d'argent et ne peut pas emmener Eric avec elle. Elle cherche une solution, qui se presente sous la forme de son frere. Son aine accepte de laisser Eric rester avec lui et sa famille pendant un certain temps, afin que Delilah puisse s'enfuir a Goma et essayer de se faire une vie meilleure dans la ville, comme tant d'autres tentent de le faire. Tandis que Delilah se dirige vers Goma avec un dollar en poche, Eric s'installe dans la famille de son oncle dans le village de Baswinga. Dans un premier temps, cette decision s'avere judicieuse. La famille s'occupe d'Eric et il entre al'ecole primaire a l'age de six ans, ce que sa mere ne pouvait pas se permettre. 

Malheureusement, la situation n'est pas aussi stable. La presence des FDLR dans la region continue de compliquer la vie de la population. Les combattants exiles harcelent la population locale pour obtenir de la nourriture et des moyens de subsistance et organisent regulierement des raids sur les villages. Partout dans la region, les gens commencent a s'organiser pour defendre leurs familles et leur betail. Eric se trouve dans une situation delicate. Il connait des amis qui sont allés dans la brousse pour se battre avec ces groupes. 

En 2002, il a dix ans et va en cinquième année. Plus sur de lui que la plupart des enfants de 10 ans, il ne se considere plus comme un enfant. Dernièrement , il ne s'est pas senti particulièrement bien accueilli dans la famille de son oncle, car il s'est disputé avec ses cousins. Comme il le dit lui-meme : "de petites disputes que les enfants ont souvent". Mais ces petites disputes le poussent a faire une grande chose. Il decide de rejoindre ses amis dans la brousse et d'integrer un groupe de Mai-Mai. 

"J'etais un kadogo", me dira-t-il des années plus tard. Comme c'est un enfant de 10 ans qui saité crire et lire un peu, il est capable de communiquer avec ses commandants. Ces derniers le nomment alors capitaine d'une section de soldats. 

Malgre ce sens des responsabilités, il est trop

jeune pour savoir pourquoi il se bat. 20 ans plus tard, il me dira qu'il se doute que c'est pour resister aux attaques des FDLR, mais qu'en 2002, alors qu'il etait enfant, il n'en avait aucune

idée. La vie dans la brousse est difficile. Il ne s'agit pas seulement de gains materiels ou

financiers. C'est une question de fierté . Il a assez a manger, mais il ne devient pas riche. Tres

vite, Eric sent que cette vie ne le satisfait pas. Il sait aussi que son oncle veut qu'il revienne dans

la famille. Au bout de cinq mois et demi, il decide de partir en brousse et de rejoindre son oncle. 

Un an plus tard, il termine l'école primaire et rejoint sa mère à Goma. Enfin reuni, il tente de s'inscrire a l'école secondaire. Mais le retour a la vie d'enfant n'est pas facile. Il reste un enfant, certes, mais un enfant qui a connu la violence. L'arrivée à Goma n'est donc pas simple. Sa mère est toujours déterminée à envoyer son fils aîné a l'école. 

Eric a maintenant des freres et soeurs. Il est l'aîné des enfants. Vingt ans plus tard, Eric rira avec nostalgie lorsqu'il evoquera les souvenirs d'un enfant difficile à élever, qui causait des problemes à l'école. Chaque fois que sa mère l'envoie dans d'une des écoles secondaires de la ville, il se fait renvoyer aubout de quelques semaines. Par miracle, il arrive a la fin de la deuxième année. Sa mère se rend compte que Mr Eric Bwanapuwa risque de devenir un délinquant s'il continue à agir de la sorte. Elle decide de le renvoyer chez son oncle à Baswinga pour qu'il poursuive son éducation. 

De retour à Baswinga, il tente de rejoindre à nouveau un groupe armé. Entre-temps, la guerre fait rage et des groupes armés sont présents dans la région. 

Mais cette fois, il résiste à la tentation de porter une arme et prend l'école plus au serieux. Il trouve une nouvelle facon de canaliser son énergie agitée. Au cours de l'année scolaire 2009-2010,il devient le représentant des élèves. D'abord dans son école, mais peu apres, il s'autoproclame porte-parole de tous les élèves du territoire de Lubero. Il fait ses premiers pas politiques. 

Il y voit une suite logique. Maintenant, il veut continuer à être un patriote, une partie d'une lutte politique plus large, mais sans aller dans la brousse de nouveau. Entant que porte-parole et représentant de tous les élèves, il organise sa première action sociale. De nombreux habitants de Baswinga se plaignent depuis peu d'extorsions de la part des soldats congolais des FARDC. Pour la première fois, Eric Bwanapuwa est confronté à un sentiment d'indignation politique. Les soldats du gouvernement menacent les habitants et les obligent à leur remettre de la nourriture. Eric décide de prendre ses responsabilités et écrit une lettre au colonel des FARDC en charge de la région dans laquelle il écrit qu'il veut que les pratiques d'extorsion cessent.

 Courageusement, il prend une moto avec un ami pour se rendre à la base des FARDC afin d'y remettre sa lettre. Tous deux découvrent rapidement que ni eux ni leur message ne sont les bienvenus à la base. Des soldats le battent et l'arretent. Il passe la nuit dans une prison improvisée qu'ils appellent mabuso, essentiellement un trou dans le sol dont il ne peut s'echapper. Il souffre mais est libere le lendemain matin. Le lendemain, il mobilise ses camarades de classe pour participer à une marche de protestation jusqu'au village voisin de Kirumba afin d'exiger la fin des taxes illégales. 

Et cela fonctionne, pour un temps. Les pratiques d'extorsion cessent pour une courte periode. Pour Eric Bwanapuwa, ce moment s'averera important. C'est le debut de sa conscience politique et de sa carrière d'activiste.

A près avoir obtenu son diplome d'études secondaires, Eric Bwanapuwa retourne a Goma. Il s'installe chez sa mère, qui vit maintenant a Buhene. Il commence a étudier la criminologie. 

Il voit comment le groupe rebelle M23 occupe brievement sa ville en 2012, mais il refuse leur appel a rejoindre leur mouvement. Il les considère comme des envahisseurs étrangers, soutenus par le Rwanda, et il est convaincu qu'ils ne servent pas les intérêts réels du peuple congolais. Mais l'étincelle politique ne s'est pas éteinte pour autant. 

Lorsque les manifestations "Bye Bye Kabila" commencent a Goma en 2015 pour exiger la fin du mandat présidentiel de Kabila, le vaillant Eric Bwanapuwa et ses amis de Buhene sont prêts à se joindre à la longue série de marches de protestation, de villes mortes et d'autres actions. A près la lutte armée et la mobilisation de ses camarades de lycée, il fait partie des nombreux jeunes de Goma qui descendent dans la rue. Il devient activiste. Sa carrière d'activiste est lancée et de nombreuses autres manifestations suivront, jusqu'a ce que lui et ses amis lancent le MNC fin 2019. 

Eric est un sujet politique des son plus jeune âge. Plus tard, il à été frappé par la manière dont les habitants de son village ont été extorqués par les militaires congolais et a décidé d'agir. Il se considère comme un patriote qui défend son pays, dans le passé au sein d'un groupe armé et plus tard en tant qu'activiste : "Mon pays reste toujours mon pays et je le defendrais jusqu'a la mort".

Fait par nous JOHN MUGUNDA avec une équipe de rédaction à Goma.