RDC : Beaucoup de Congolais devront encore patienter pour leur carte d’identité
Sans pièce d’identité, les fonctionnaires peinent à retirer leur salaire au guichet des banques.
Le ministre de l’Intérieur du gouvernement démissionnaire de la République démocratique du congo, Peter Kazadi, l’a promis le 20 mars dernier, les Congolais recevront bientôt leur carte d’identité. Un sésame promis depuis près de quarante ans par les gouvernements successifs et qui devrait enfin devenir une réalité.
« On l’attend avec impatience », explique Jean-Baptiste, enseignant à Kinshasa. Comme la plupart des fonctionnaires et même de nombreux employés, son salaires est versé directement sur son compte bancaire. « On nous a présenté cette bancarisation comme la garantie de recevoir notre argent en temps et en heure et de pouvoir en disposer facilement. Or, depuis des semaines, je dois me contenter des coupures que je peux retirer à l’ATM (distributeur d’argent). En effet, les banquiers, même s’ils me connaissent, refusent de me donner de l’argent au guichet parce que ma seule pièce d’identité est la carte d’électeur obtenue lors de mon enregistrement pour l’élection présidentielle de décembre dernier. Mais ces cartes sont de très mauvaise qualité et la plupart des données sont inscrites sur cette carte sont devenues illisibles. Je ne vous parle même pas de la photo. Il est vraiment urgent de recevoir la nouvelle carte d’identité qu’on nous promet désormais depuis près d’un an. depuis que Félix Tshisekedi a reçu le premier exemplaire le 30 juin dernier ».
Peter Kazadi, le ministre de l’Intérieur a annoncé une distribution soutenue à partir du mois de mai. Une déclaration faite lors de la réception de containersdu matériel qui doivent permettre la fabrication des cartes d’identité pour les 24 communes de Kinshasa.
L’Onip dans le viseur…
Mais de nombreux Congolais sont dubitatifs. “Des annonces, on en a des tas. La carte d’identité, par contre, seuls le président de la République, les membres de sa famille et quelques personnalités l’ont reçue et je vois mal sur base de quel fichier, on pourrait fabriquer ma future carte”, explique notre interlocuteur de Kinshasa qui pointe la responsabilité du monde politique, mais aussi de l’Office national d’identification de la population (Onip) et de la société privée Afritech/Idemia qui a obtenu le contrat pour la production et la délivrance de ce sésame. Un contrat auquel s’intéresse désormais l’Inspection générale des finances (IGF). “Le contrat est très nébuleux”, explique une source à Kinshasa. Et très intéressant pour Monsieur Samba bathily, le Malien à la tête de la société Afritech/Idemia, qui est désormais prié de ne pas quitter le territoire de la RDC en attendant la fin de l’enquête de l’IGF.
Le montant du contrat pour la fabrication des cartes serait d’un milliard de dollars et Afritech/Idemia devrait percevoir pendant 20 ans le tiers de toutes les recettes générées par la distribution de ces cartes d’identité. Un contrat dont les termes, présentés comme très “sibyllins”, sont désormais passés au crible.
… La Ceni aussi
Pour fabriquer ces cartes, le prestataire a évidemment besoin d’un fichier reprenant les informations nécessaires pour chaque Congolais. “Mais ce fichier avec ces informations n’existe pas ou est, au mieux, très parcellaire”, explique une source diplomatique qui rappelle qu’il n’y a “aucun service de la population depuis des lustres dans cet immense pays. Les données devaient être obtenues lors de l’enregistrement des électeurs pour les élections de décembre dernier. Lors de cet enregistrement, les électeurs devaient remplir une fiche dont une partie concernait les élections pour l’obtention de la carte d’électeur, une seconde partie devait servir à la constitution du fichier qui devait permettre la fabrication de la carte d’identité. L’idée, assez intelligente, était de mutualiser les efforts entre la Ceni et l’Onip”, poursuit notre interlocuteur qui a suivi de près l’enregistrement des électeurs à Kinshasa et qui a constaté que “faute de temps, de motivation” la plupart des Congolais ne remplissaient pas la seconde partie. Il faudra donc recommencer le travail. La grande majorité des Congolais devra donc se réenregistrer, ce qui va occasionner des frais, évidemment, non prévus et va retarder la fabrication des cartes d’identité. Les Congolais devront donc prendre leur mal en patience. “Le ministre parlait du mois de mai, sans donner l’année”, conclut, persifleur, le fonctionnaire congolais. Lalibre/ via Oyebi